bilan sanguin et chirurgie bariatrique

L’importance de faire les bilans sanguins de contrôle après une chirurgie bariatrique!

Les prises de sang font partie des suivis réguliers recommandés après une chirurgie bariatrique. Et soyons honnêtes : entre devoir penser à prendre rendez-vous, se présenter à jeun et se faire piquer… ce n’est pas toujours ce qu’on a le plus envie de faire. Pourtant, ces bilans jouent un rôle essentiel pour votre santé à long terme.
Ils permettent de vérifier que votre corps a tout ce dont il a besoin pour bien fonctionner : cicatriser, maintenir la masse musculaire, prévenir les carences nutritionnelles et éviter certaines complications parfois silencieuses… mais sérieuses.

Chirurgien bariatrique

Mais concrètement, qu’est-ce que les chirurgiens regardent vraiment dans ces résultats ? Que peut-on voir — ou ne pas voir — dans une prise de sang ?
Pour aller plus loin que le simple « c’est important », nous avons tendu la plume à un expert : le Dr Alexandre Bougie, chirurgien bariatrique et co-animateur du podcast La poche gastrique. Voici ce qu’il nous a partagé.

 

Bilans sanguins après une chirurgie bariatrique : quand et pourquoi ?

Les sociétés savantes recommandent généralement aux cliniciens qui suivent les personnes ayant eu recours à la chirurgie bariatrique de faire un bilan sanguin quelques fois durant la première année après l’intervention. Personnellement, j’en demande généralement une à deux fois dans la première année, selon l’évolution de la personne. Je m’assure de la bonne évolution un mois après la chirurgie et je réaffirme la recommandation de prendre une multivitamine adéquate ainsi qu’un combiné calcium-vitamine D deux fois par jour, à vie pour chacun.

Je demande ensuite un contrôle sanguin six mois après la visite pour évaluer s’il y a développement de carences (ou plus tôt selon la situation clinique), puis une fois par année. Il est recommandé de faire un bilan sanguin une fois par année à vie après une chirurgie bariatrique. C’est là qu’intervient le rôle clé des médecins de famille à long terme.

chirurgie bariatrique et prise de sang

 

Parfois, je demande des contrôles plus rapprochés s’il y a des carences. Plus la chirurgie est « agressive », plus il est important de faire une surveillance rapprochée! On s’ajuste donc selon le patient, mais aussi selon la chirurgie.
Par exemple, une personne ayant recours à une SADI-S a plus de risque de développer des carences, notamment en vitamine A et en vitamine E, qu’une personne avec une sleeve. Autre exemple : on sait que les personnes ayant un bypass sont plus à risque de carences en B12 et, en général, de carences plus nombreuses qu’avec une sleeve.

C’est pourquoi les suppléments ne sont pas identiques pour tous : plus une chirurgie est
« agressive » (sleeve → bypass → SADI dans cet ordre), plus il y aura de suppléments à prendre.

 

Plusieurs patients s’en sortent avec une supplémentation de type multivitamine une fois par jour avec la sleeve, mais la carence en vitamine D demeure fréquente. Une diminution ou l’abandon de la supplémentation augmente les risques d’ostéoporose (fragilité osseuse), indépendamment de l’âge. Il ne faut surtout pas oublier l’axe phosphocalcique pour la santé des os, qui est souvent négligé après la chirurgie bariatrique.
Vivre au nord comme nous, au Québec, être une femme et avoir une chirurgie bariatrique 

ostéoporose et chirurgie bariatrique

sont des facteurs de risque d’ostéoporose qui peuvent mener à des fractures, comme chez les personnes âgées. J’ai malheureusement déjà vu des patientes relativement jeunes, avec 10 à 20 ans de vie post-bypass sans suppléments, avec des os tellement poreux qu’elles se fracturent en se déplaçant, et deviennent invalides…

Le hic, c’est qu’il n’y a pas de symptôme jusqu’à ce qu’il soit trop tard, avec l’ostéoporose. C’est pourquoi je discute de ce sujet constamment avec les patientes, et que je dose le calcium, la vitamine D et l’hormone parathyroïdienne une fois par an en post-opératoire de chirurgie bariatrique.

Pour vous donner une idée, les sociétés savantes recommandent maintenant de considérer le dépistage précoce de l’ostéoporose par ostéodensitométrie dans les années suivant la chirurgie bariatrique, pour intervenir plus tôt que trop tard…

Quoi d'autres faut-il surveiller?

Personnellement, mon bilan de base usuel comporte une formule sanguine complète pour évaluer l’anémie, ainsi qu’un dosage de la ferritine et de la vitamine B12 pour la même raison.

L’anémie est fréquente chez la femme atteinte d’obésité. La cause d’une anémie peut être nutritionnelle, mais d’autres pistes sont aussi à explorer. Il faut questionner les menstruations abondantes, car des traitements hormonaux existent. L’obésité étant associée à un risque accru de cancer de l’endomètre, celui-ci doit parfois être dépisté, et une ablation de l’endomètre est une option à envisager si l’anémie n’est pas contrôlée.

La SADI entraîne une malabsorption des vitamines liposolubles (A-D-E-K), et j’ajoute leur dosage ou un test de coagulation pour la vitamine K chez les personnes ayant opté pour cette option. Tout cela est tout à fait approprié dans les suivis annuels en médecine générale, mais il reste beaucoup d’enseignement à faire.

 

Pour des raisons de choix de pratique, et parce que je suis « simplement » chirurgien et que je dois me concentrer sur mon expertise, là où j’ai le plus d’impact, je ne demande pas souvent un bilan plus extensif, même si celui-ci est recommandé. C'est ma réalité-terrain en fonction de l'organisation de soins.

Pour des raisons de ressources et de temps, avec une quantité considérable de patients qui s’accumule avec les années, le suivi longitudinal de toutes les prises de sang ne peut être réalistement effectué par les chirurgiens bariatriques. D’où l’importance du suivi primaire en première ligne : les médecins omnipraticiens, ou médecins de famille, sont très importants dans ce suivi.

La réalité actuelle au Québec étant ainsi, j’ajoute parfois un dépistage ou un suivi du diabète (HbA1C - hémoglobine glyquée) pour avoir une idée du contrôle glycémique sur 2-3 mois, ou encore un test de fonction rénale chez les patients orphelins.

En théorie, le suivi médical des patientes devrait inclure annuellement un dépistage ou un suivi du diabète de type 2, un bilan lipidique pour le suivi ou le dépistage d’une dyslipidémie (cholestérol), un test de fonction rénale, des électrolytes de base, un bilan hépatique ainsi qu’un suivi de la pression artérielle.
L’obésité est un facteur de risque de développer des maladies connexes comme l’hypertension artérielle, le diabète, l’insuffisance rénale, la dyslipidémie et la stéatose hépatique, qu’il faut dépister régulièrement.

 

« Mon chirurgien m’a dit que mes protéines dans le sang et que mon albumine sont normaux, ça veut dire que je mange assez de protéines. »

Les tests sanguins normaux d’albumine ou de protéines dans le sang, bien que je demande souvent l’albumine moi-même, ne sont pas du tout garants d’un apport suffisant en protéines.

Nous voulons éviter la fonte musculaire et toutes les conséquences néfastes de celle-ci

prise de sang et chirurgie bariatrique

dans cette clientèle, et une prise de sang ne suffit pas à ce niveau et c'est la même chose pour le calcium.

À titre d’exemple, un calcium normal en circulation sanguine est tout à fait possible avec une ostéoporose avancée, tout comme une sarcopénie sévère peut s’accompagner d’une albumine normale en circulation sanguine. Il faut honnêtement consulter une nutritionniste formée en chirurgie bariatrique pour obtenir une évaluation adéquate des apports en protéines. Ce n’est probablement pas dans la tasse de thé de votre chirurgien.

 

Remarque d’Evelyne, nutritionniste en chirurgie bariatrique

L’albumine, la pré-albumine et les protéines totales dans le sang sont souvent, à tort, interprétées comme des indicateurs de l’apport en protéines. Plusieurs facteurs, dont l’inflammation et certaines maladies, peuvent influencer les résultats.

Ce qu’il faut retenir : un taux normal ne garantit pas que l’apport en protéines est optimal chaque jour. C’est un indice, mais pas une certitude.

 

« Si mes prises de sang sont belles, ça veut dire que je n’ai pas de carences nutritionnelles »

Les prises de sang sont loin d’être exhaustives et complètes à tous les niveaux. Par exemple, le zinc, le cuivre et le magnésium sont moins souvent dosés, mais très importants pour la santé globale. Le zinc, par exemple, est essentiel pour la cicatrisation, le goût et le système immunitaire.

C’est pourquoi il est recommandé de prendre une multivitamine deux fois par jour, à vie, même si vos prises de sang sont normales. Cela vaut aussi pour la supplémentation en calcium et vitamine D.

Messages clés!

👉 Même si vos prises de sang sont « belles », cela ne veut pas dire que vous pouvez arrêter vos suppléments.

👉 Même si vous mangez « un peu de tout », cela ne veut pas dire que vos besoins post-chirurgie sont comblés.

👉 Et surtout : chaque corps est unique, et vos bilans doivent être interprétés en lien avec vos symptômes, votre chirurgie et vos habitudes.

Les bilans sanguins sont des outils essentiels, mais ils ne remplacent ni les suppléments, ni une alimentation adaptée, ni un suivi professionnel. Ils permettent d’ajuster, d’anticiper, de prévenir.

💜 Votre santé ne se mesure pas seulement en chiffres, mais certains chiffres sont là pour vous protéger et dépister.

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